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Construire le réseau d’eau en France :
des grands travaux à la modernisation

Introduction par Grégory Quenet :

Aqueducs et fontaines ont mobilisé des capitaux considérables pendant des siècles sans se préoccuper d’amener l’eau pour tous. L’eau était rare, mais ces constructions étaient signes de prestige politique et se devaient d’être monumentales et visibles. Les inégalités face à l’accès à l’eau marquaient une distinction qui commençaient par la capacité à boire des eaux minérales. Pas moins de 13 types d’eau différentes étaient vendues à la pinte à Versailles au XVIIIe siècle, sans compter la fontaine réservée à la famille royale, et 22 sortes à Paris.

Moins spectaculaires car invisibles, les réseaux d’eau ont amené un changement considérable : alors que l’amenée d’eau par conduite pouvait être assurée par de multiples petites entreprises, seules des compagnies de rang national et bientôt international ont eu la capacité technique et organisationnelle de mettre en place ces réseaux à l’échelle d’un territoire (de la naissance des villes modernes (XIXe siècle) et de l’équipement des territoires (XXe siècle).

Les XIXe et XXe siècles ont révolutionné la distribution d’eau en Europe. Du jamais vu depuis les Romains ! Le passage de la ligne droite sur le modèle de l’aqueduc romain au réseau desservant des multiples points sans plus les hiérarchiser constitue une véritable révolution, portée par des individus mûs par la volonté d’apporter le progrès à leurs concitoyens.

Des porteurs d’eau aux fontaines publiques jusqu’à la généralisation de la potabilisation, l’eau devient accessible à tous en deux siècles, améliorant ainsi peu à peu le quotidien d’une partie des Français pour s’étendre dans la seconde moitié du XXème siècle à l’ensemble de la population. C’est à ce moment que l’eau potable arrive enfin directement dans les foyers des particuliers aussi bien en ville qu’à la campagne. Pour réaliser ce tour de force, il faut puiser, stocker et acheminer. Des techniques rendues possibles grâce aux prouesses des ingénieurs. Et à une volonté politique et entrepreneuriale portée par les pionniers de la Compagnie générale des eaux. Plongée dans 200 ans d’histoire de l’eau qui ont façonné nos usages, et notre société.

Des porteurs d’eau aux premiers réseaux
d’eau potable, une révolution en marche

Si le XIXe siècle marque bel et bien le début de la grande révolution de la distribution de l’eau en France, il s’appuie sur des siècles d’innovations techniques. Dès l’aube de l’humanité, la recherche de points d’eau est évidemment vitale. C’est en -6000 avant Jésus Christ, bien avant l’apparition de l’écriture, que les premiers puits voient le jour. L’eau n’est plus une ressource que l’on se procure en se servant directement dans un cours d’eau, il faut fournir un effort, puiser, extraire, pour en bénéficier au même endroit. Au fil de l’eau, et des siècles, des techniques de plus en plus sophistiquées, mises au point par les premiers ingénieurs, voient le jour.

Puisqu’il faut rendre à César ce qui est à César, rendons aux ingénieurs romains la prouesse d’avoir systématisé la distribution de l’eau au plus grand nombre. Symbole de puissance de l’Empire, l’eau devient un élément central de la vie quotidienne de la Rome Antique qui alimente plus d’une centaine de milliers d’habitants grâce à un système hydraulique ultra sophistiqué. On trouve les fameux aqueducs qui permettent l’adduction d’eau pour la consommation des villes, mais aussi un ingénieux système d’égouts dont les eaux usées balaient les latrines et confluent vers la Cloaca maxima. Ce long canal, qui sert d’égout collecteur, combine trois fonctions : la récupération des eaux de pluie, l’évacuation des eaux usées et l’assainissement des marécages. C’est le plus ancien système de drainage encore en usage aujourd’hui puisque les conduits antiques servent toujours à évacuer les eaux de pluie et les débris du Forum Romain.

Le Pont du Gard

En France, le Pont du Gard illustre l’héritage de l’ingéniosité de l’Empire romain. Construit au premier siècle de notre ère, cet aqueduc transporte au fait de sa gloire 35 000 m3 d’eau chaque jour depuis Uzès jusqu’à la ville de Nîmes. Cette prouesse scientifique longue de 52 kilomètres alimente en eau potable les Nîmoises et Nîmois ainsi que les fontaines, jardins mais aussi les thermes de la capitale de la province romaine d’Auguste. Des fontaines qui resteront au fondement de l’approvisionnement en eau dans les villes jusqu’au Moyen-âge.

Bien qu’à cette époque la notion de salubrité soit bien souvent négligée, de nouvelles canalisations hydrauliques permettent la distribution de l’eau à grande échelle. Dès le XIIIe siècle, le système des fontaines fait son apparition et fournit de l’eau potable directement dans les villes. Sous l’Ancien Régime, les fontaines publiques se développent et deviennent accessibles à un large public. Pour transporter l’eau directement dans les maisons ou aux étages élevés des immeubles, les personnes les plus aisées font appel aux porteurs d’eau. Plus le nombre de fontaines augmente, plus le nombre de porteurs, qui vendent leur précieux bien en criant “à l’eau, à l’eau”, croît. Dans Le tableau de Paris, publié en 1781, l’écrivain et journaliste Louis-Sébastien Mercier explique qu’un bon porteur d’eau peut faire jusqu’à 30 livraisons par jour équipé de ses deux seaux représentant environ 25 litres, soit jusqu’à 750 litres par jour.

Fiche métier

Le porteur d'eau

Le porteur d’eau livre aux populations les plus aisées l’eau des fontaines publiques directement chez eux, moyennant deux sous pour un premier ou deuxième étage, trois pour les étages supérieurs. Les bourgeois envoyaient leurs servantes aux fontaines pour s’approvisionner, ce qui fut la source de nombreux conflits entre les deux corporations. En 1698, les porteurs d’eau obtiennent l’exclusivité de l’accès aux fontaines. A Paris, ils sont à peine 58 à la fin du XIIIème siècle et 29 000 à la fin du XVIIIème siècle ! Les porteurs d’eau sont équipés d’une lanière en cuir, placée sur les épaules, sur laquelle était fixée à chaque extrémité des crochets où l’on suspendait les seaux. La littérature et les feuilletons du XIXème siècle soulignent régulièrement les origines auvergnates de ces livreurs qui pouvaient gagner jusqu’à 3000 francs par an, sous réserve que ces derniers réalisent 30 livraisons par jour. Leur métier devient d’autant plus utile que la qualité de l’eau des puits se dégrade peu à peu; les polluants y sont de plus en plus nombreux, impossible donc d’utiliser cette eau pour y faire cuire ses légumes ou de l’utiliser pour la toilette. La besogne de ceux qui crient « à l’eau, à l’eau », s’intensifie de plus belle, quand la plupart des puits sont condamnés. C’est à partir du Seconde Empire, des grands travaux d’Haussmann et des adductions d’eau que le métier disparaît petit à petit. A la veille de la Première Guerre mondiale, les porteurs d’eau n’existent plus.

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Si le XIXe siècle marque bel et bien le début de la grande révolution de la distribution de l’eau en France, il s’appuie sur des siècles d’innovations techniques. Dès l’aube de l’humanité, la recherche de points d’eau est évidemment vitale. C’est en -6000 avant Jésus Christ, bien avant l’apparition de l’écriture, que les premiers puits voient le jour. L’eau n’est plus une ressource que l’on se procure en se servant directement dans un cours d’eau, il faut fournir un effort, puiser, extraire, pour en bénéficier au même endroit. Au fil de l’eau, et des siècles, des techniques de plus en plus sophistiquées, mises au point par les premiers ingénieurs, voient le jour.

Puisqu’il faut rendre à César ce qui est à César, rendons aux ingénieurs romains la prouesse d’avoir systématisé la distribution de l’eau au plus grand nombre. Symbole de puissance de l’Empire, l’eau devient un élément central de la vie quotidienne de la Rome Antique qui alimente plus d’une centaine de milliers d’habitants grâce à un système hydraulique ultra sophistiqué.

On trouve les fameux aqueducs qui permettent l’adduction d’eau pour la consommation des villes, mais aussi un ingénieux système d’égouts dont les eaux usées balaient les latrines et confluent vers la Cloaca maxima. Ce long canal, qui sert d’égout collecteur, combine trois fonctions : la récupération des eaux de pluie, l’évacuation des eaux usées et l’assainissement des marécages. C’est le plus ancien système de drainage encore en usage aujourd’hui puisque les conduits antiques servent toujours à évacuer les eaux de pluie et les débris du Forum Romain.